Des niches fiscales mieux évaluées pour plus de transparence et d’efficacité

Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, Messieurs les Président et Rapporteur général, Chers collègues,

Depuis deux ans, les députés de la majorité, et en particulier ceux de la commission des finances n’ont pas « tazonné » comme on dit dans mon cher Berry, c’est-à-dire que l’activité a été intense, le rythme soutenu et l’esprit déterminé. Cette seconde édition du « printemps de l’évaluation » s’inscrit dans cette dynamique de travail. L’enjeu est aussi d’une meilleure organisation de notre procédure budgétaire : nous souhaitons passer davantage de temps à évaluer l’application des lois de finances, et peut-être en passer un peu moins au moment de leur adoption.

Le rapport des Français avec leur fiscalité est complexe, parfois contradictoire, souvent éruptif, toujours passionné. C’est pourquoi il est si urgent de rendre des euros aux ménages – 27 milliards de baisse de fiscalité d’ici 2022, mais également aux entreprises – par exemple par la trajectoire de réduction de l’impôt sur les sociétés. Cette stratégie est efficace, et fait dire à la Banque de France que les créations d’emplois salariés se sont accélérées au 1er trimestre 2019 et que la croissance du pouvoir d’achat est la plus forte depuis une douzaine d’années.

S’ils se félicitent de ces résultats, les parlementaires du groupe majoritaire ne seront jamais des spectateurs complaisants, mais des aiguillons vigilants à l’égard du Gouvernement, et en particulier du Ministre de l’Action et des Comptes publics. C’est pourquoi il est nécessaire de remettre le sujet de l’évaluation et du pilotage des dépenses fiscales (ou « niches fiscales ») comme une priorité politique. Notre devoir d’explication des décisions publiques est décuplé, nous devons rembarquer de nombreuses citoyennes et citoyens, en particulier dans les départements ruraux. Les résultats des élections européennes ne sont pas qu’un relevé des compteurs mais un enrichissement de notre lettre de mission au service des Français.

Encore faut-il pouvoir tout expliquer ? Et, c’est là où le bât blesse, Monsieur le Ministre, malgré l’abondante littérature budgétaire, les évaluations des niches fiscales au regard de leurs objectifs et de leurs coûts pour les finances publiques restent encore trop imprécises. Le poids de ces dispositifs a été croissant ces dernières années, principalement du fait de la montée en charge du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), mais pas uniquement. Le seuil symbolique des 100 milliards d’euros a été franchi l’an dernier, pour donner un ordre de grandeur, cela représente le total des dépenses publiques d’éducation de la maternelle au baccalauréat.

Soyons clairs, l’objectif de cette résolution n’est pas de raboter mais de remettre les niches fiscales sous radar. Ce radar fait aujourd’hui défaut. À la question proposée avant-hier à certains lycéens au baccalauréat de philo « Est-il possible d’échapper au temps ? », nous pourrions fournir l’exemple de dizaines de niches qui sont reconduites ad vitam aeternam. De manière éloquente, sur les 474 dispositifs recensés lors du projet de loi de finances pour 2019 – seuls 450 ont un impact budgétaire. De même, le nombre de bénéficiaires n’est connu que pour un peu plus de la moitié des dépenses fiscales. Pour reprendre une expression de Pierre DESPROGES, « La seule certitude que nous avons c’est d’être dans le doute ».

Dès lors, nous proposons dès le prochain projet de loi de finances, dans quelques semaines, d’avoir un débat sur l’opportunité de maintenir des dispositifs, soit non chiffrés, soit d’un montant peu significatif. C’est aujourd’hui 161 dispositifs qui ne sont pas « évaluables ». Autant dire qu’il est plus qu’acrobatique de savoir quels sont les effets de ces dispositifs-fantôme, que ce soit entre les contribuables, mais également entre les territoires.

C’est pourquoi nous suggérons de borner progressivement l’ensemble des niches fiscales dans le temps, et de faire évoluer notre « Constitution financière », la loi organique relative aux lois de finances, pour faire en sorte que toute prolongation de niche soit accompagnée d’une évaluation sur son efficacité et son efficience. La Cour des Comptes, au regard de la qualité de ses travaux et de la constance de ses recommandations en matière de remise en ordre des niches, pourrait utilement prêter main-forte au législateur.

Surtout, et c’est évidemment le plus exigeant, nous appelons à un véritable pilotage des dépenses fiscales par les administrations centrales et déconcentrées de l’État.

Aujourd’hui, les ministères « métier » ne suivent pas les niches fiscales, faute de données, mais aussi et surtout parce que les compétences avec les directions de votre ministère ne sont pas clairement articulées. Désormais, nous souhaitons donc que les annexes « Voies et moyens » soient enrichies d’une justification des niches fiscales par les administrations compétentes. A cette fin, le Parlement souhaiterait être destinataire des comptes-rendus des conférences fiscales et budgétaires conduites pendant l’élaboration du budget.

En conclusion, cette résolution n’est pas une révolution, mais l’expression d’un volontarisme en matière de bonne gestion, qui devrait, nous l’espérons, trouver l’assentiment sur la plupart des bancs.