« L’écriture inclusive est contre-intuitive, illisible et excluante » (Le Figaro)

INTERVIEW – Le député LREM de l’Indre a déposé une proposition de loi pour faire interdire cette écriture militante.

Voir sur le site du Figaro

En février dernier, François Jolivet a déposé une proposition de loi, visant à interdire l’usage de l’écriture inclusive dans les documents administratifs, signée par plus de soixante députés. Aurore Bergé, Agnès Thill, Bertrand Sorre… Ils sont aujourd’hui 115, du Parti communiste jusqu’au Rassemblement national, à le soutenir. Le député LREM explique au Figaro les raisons de son combat contre cette graphie militante, qui est, selon lui, loin d’être « inclusive ».


LE FIGARO.- Comment est né votre combat contre l’écriture inclusive ?

François JOLIVET. – J’ai toujours été lié dans mon mandat municipal au monde du handicap. Ainsi, je possède des relations avec des associations qui ont en charge des personnes dyslexiques, dyspraxiques, dysorthographiques, dites « dys ». Un jour, des parents sont venus me dire que leurs enfants avaient des difficultés à lire certains documents, du fait de l’écriture dite « inclusive », et plus précisément les graphies comme le « point médian ».

Je le rappelle, quand on est « dys », et qu’on lit un point, on revient à la phrase du début. Cela empêche la lecture. Je me suis donc intéressé à ce sujet.

Je me suis aperçu que l’université aujourd’hui fait parfois ses fiches de formation en écriture inclusive (exemple récent avec l’ONISEP sur Parcours Sup). Or, un certain nombre de personne n’arrivent pas à lire cette écriture et ne peuvent donc pas répondre. Quand on sait les effort fournis par certains pour obtenir un baccalauréat, c’est insupportable. Puis, j’ai vu que l’OMS, l’ONU, l’Union européenne publiaient en écriture inclusive. Je me suis aussi rendu compte que des collectivités communiquaient et délibéraient de cette façon. Quand on n’est pas capable de lire un document, on ne peut ni faire valoir ses droits ni contester une mesure administrative… Lorsque ma proposition de loi a été médiatisée, j’ai été très étonné du tohu-bohu qu’elle avait engendrée. Avant, je recevais 200 mails par jour, aujourd’hui, c’est 400. On m’envoie des cours, des sujets corrigés en écriture inclusive. J’ai été contacté par des étudiants de l’IEP de Grenoble, de Sciences po Paris qui m’ont expliqué que certains élèves avaient été privilégiés parce qu’ils utilisaient cette écriture. Le Figaro l’a d’ailleurs révélé. Je me suis dit que c’était intolérable.

« À l’origine, l’écriture inclusive était élitiste, mais je pense qu’elle est devenue une espèce de mode« 

L’écriture inclusive comporte diverses règles: point médian, double pronom, mots épicènes… Contre quelle écriture inclusive vous opposez-vous ?

Je ne m’élève pas contre la féminisation des noms, mais contre le point médian qui est selon moi un point bloquant. J’aimerais une écriture pour tous, ce que cette écriture dite «inclusive», n’est pas. Des enseignants qui enseignent le français dans d’autres pays m’ont contacté pour dire leur stupéfaction. À mon sens, le combat de l’opinion est gagné, mais le combat de quelques autoentrepreneurs de l’écriture n’est pas facile à remporter. Lorsqu’on est un homme contre l’écriture inclusive, on est catalogué de terrible machiste et de vieux réactionnaire…

Est-elle une écriture élitiste ?

Elle est contre-intuitive, illisible, excluante et donc, elle désunit. À l’origine, l’écriture inclusive était élitiste, mais je pense qu’elle est devenue une espèce de mode. Elle est un indice de la déconstruction de notre pays et de notre culture ; tout cela, sous-couvert d’une minorité agissante qui a su faire prospérer ses idées un peu partout. Nous sommes aujourd’hui dans une dictature des minorités.

« Pour obtenir l’égalité femme-homme, il est préférable de voter la loi PACTE qui impose autant d’hommes que de femmes dans les conseils d’administration, plutôt que défendre l’écriture inclusive »

Comment expliquez-vous alors que son usage s’étende ?

Certaines personnes ont l’impression de satisfaire un combat, peut-être de bonne foi. Ils font cela sans se poser de question. Aujourd’hui, le militantisme fait que l’on mélange parfois sa fonction et les causes qu’on peut défendre à titre personnel. Parfois, certains cèdent à une mode pour plaire à un supérieur hiérarchique. Et c’est ainsi que l’on se retrouve, dans des entreprises, avec une communication en écriture inclusive. Or, pour obtenir l’égalité femme-homme, il est préférable de voter la loi PACTE qui impose autant d’hommes que de femmes dans les conseils d’administration, qui exige des rattrapages salariaux, plutôt que défendre l’écriture inclusive.

Votre proposition réunit des personnalités de différents bords politiques. Comment expliquer cette « convergence des luttes » ?

Nous sommes aujourd’hui 115 signataires, venant du PC jusqu’au RN, mais pas le PS. Valérie Pécresse et Xavier Bertrand ont apporté leur soutien à cette proposition de loi, même s’ils ne sont plus parlementaires. Normalement les bords politiques ne signent pas en-dehors de leur propre groupe. Mais il y a des gens qui ont pensé que j’avais raison. Cette question de l’écriture inclusive va au-delà de divergences politiques. La parole publique, plutôt que de désunir, doit unir. C’est mon ambition. Je crois que le débat pour l’égalité femme-homme est juste, mais je trouve que le chemin qu’il emprunte et les moyens qu’il utilise met à l’écart les enfants dys. Il faut conserver une écriture compréhensible. À une époque où les gens ne se comprennent plus, il ne s’agit pas de leur enlever l’écriture, mais de la préserver. C’est elle qui unit.

« Les moments que nous vivons, et que nous avons vécu montrent combien l’attente d’égalité et de liberté sont devenues une priorité des Français »

Où en est-on de cette proposition de loi ?

Nous nous sommes fixé un objectif de 200. Je pense que l’on va prendre l’initiative de faire une pétition dite à caractère institutionnel pour obtenir 100 000 signatures, d’ici à septembre. À la rentrée, le président de l’Assemblée nationale recevra la procédure constitutionnelle. La Commission l’examinera et la discutera. J’espère qu’ainsi, cette proposition de loi sera inscrite à l’ordre du jour. On verra si le gouvernement s’en saisira. On sera dans un calendrier qui permettra beaucoup de débats. Si la présidentielle ne se fera évidemment pas sur l’écriture inclusive, elle portera entre autres sur la culture française, sur les marqueurs culturels et sur l’égalité de tous pour accéder à ses droits et à l’usage de sa liberté. Les moments que nous vivons, et que nous avons vécu (gilets jaunes, crise sanitaire) montrent combien l’attente d’égalité et de liberté sont devenues une priorité des Français.

Quand on voit l’échec de la loi Toubon dans les publicités, où l’anglais est roi, peut-on penser qu’une loi puisse faire respecter l’interdiction d’utiliser l’écriture inclusive ?

L’article de la proposition de loi modifie un code qui historiquement s’appelait le Code des procédures administratives contentieuses et qui s’appelle désormais le Code des relations entre le public et l’administration. À partir du moment où l’administration écrit et que l’usager ne peut lire, cela signifie qu’il ne peut plus faire valoir ses droits. C’est ce que modifie la proposition, l’écriture appartient donc bien au domaine de la loi. Si, dans l’entreprise, le dirigeant ne veut pas être compris de ses collaborateurs ou de ses clients, c’est son droit. Cela étant, s’il veut les exclure de promotions parce qu’ils ne parviennent pas à lire certains documents, cela relève du ressort des organisations syndicales.

Si cette proposition de loi aboutit, où sera-t-elle interdite ?

La proposition de loi a pour objectif de l’interdire dans les documents administratifs et documents destinés aux usagers (rapports, études, procès verbaux, circulaires, notes et réponses ministérielles, avis, décisions, courriers électroniques envoyés aux usagers, publications officielles sur internet…). Tout document produit et diffusé par une personne qu’elle soit publique ou privée en charge d’une mission de service public.