Agences Régionales de Santé : ces monstres froids doivent être supprimés

Créées en 2010, les Agences Régionales de Santé sont responsables de la mise en œuvre des politiques de santé à l’échelon régional. Elles ont pour objectifs « d’assurer un pilotage unifié de la santé, de mieux répondre aux besoins de la population et d’accroître la performance du système ».

Après 10 années d’existence, force est de constater que celles-ci ont des difficultés à atteindre les objectifs fixés par la Nation. L’offre de soins a-t-elle augmenté dans les territoires ? Non. Les besoins en santé de la population sont-ils satisfaits ? Non. Les dépenses sont-elles rationalisées ? Sans doute un peu, mais dans une logique de court terme de réduction de l’offre de soins. Les ARS ont désarmé les territoires et accru les inégalités.

Elles sont devenues des « monstres froids » qui gèrent l’organisation du système de santé sur tableur Excel.

Le « reporting » est devenu leur denrée obsessionnelle. Elles produisent des liasses d’analyses lues par personne et des protocoles qui sclérosent l’action des hôpitaux de proximité. Elles déboussolent celles et ceux qui sont en première ligne : les personnels de santé.

Le train de vie des ARS interroge. Plutôt que de réduire leurs frais de fonctionnement, elles semblent faire leurs économies directement dans nos territoires. Les habitants des zones rurales sont les premières victimes de ces décisions qui les éloignent des services de santé. Depuis des années à coups de scalpel et d’Excel, l’offre de soins recule et les kilomètres s’allongent pour quiconque a besoin de se soigner. Donner la vie devient un chemin de crête. En Centre-Val de Loire, le nombre de femmes vivant à plus de 45 minutes d’une maternité explose. Ces récentes fermetures de maternités ont semé l’incompréhension chez les habitants et les élus. L’incompréhension débouche souvent sur une impasse, quand elle ne mène pas à la colère. Personne n’accepte d’être considéré comme un citoyen de « seconde zone » par des officines bureaucratiques.

Durant la crise du COVID-19, les « patrons d’ARS » sont apparus comme des chefs de guerre sans bras sur le terrain, presque comme des figurants budgétairesLes Agences Régionales de Santé n’étaient pas prêtes à gérer l’urgence d’une pandémie. Elles ont complexifié la tâche des médecins, des infirmiers libéraux et des personnels hospitaliers. Dysfonctionnements dans la distribution et la répartition des masques, lenteurs dans la pratique de tests de dépistage notamment dans les EHPAD, incohérences dans les informations « descendantes », absence totale de communication avec les élus… Elles se sont comportées comme un État dans l’État, isolé et isolant. Le corps préfectoral, lui, a su faire face en mobilisant les acteurs locaux.

La crise du COVID-19 assène cette gifle de lucidité : les tours de verre sont celles qui s’effondrent le plus facilement.

Il faut supprimer les Agences Régionales de Santé.

C’était déjà ma volonté en février 2019, c’est aujourd’hui un projet partagé par de nombreux élus et concitoyens.

Le système des ARS n’est pas adapté, et leur périmètre d’action est trop vaste. Comment un fonctionnaire à Orléans peut-il décider de la fermeture d’un service de proximité dans l’Indre, à plus de 150 km de distance ? Le quotidien des habitants d’un territoire ne peut être l’apanage de celles et ceux qui n’y vivent pas. Les réformes n’ont de sens que si elles sont comprises par le plus grand nombre. Pour les faire il faut des alliés, des ambassadeurs, des défenseurs. Ce n’est pas le cas aujourd’hui.

Notre pays doit être capable d’anticiper les crises, et de s’y adapter. Nous avons besoin de véritables « préfectures » opérationnelles qui garantissent la sécurité sanitaire d’un territoire et de ses habitants. Il faut abaisser le centre de gravité de l’action publique, pour le rapprocher du terrain. La vie d’un territoire ne se découpe pas en silos. Seuls les préfets de région et les préfets de département doivent porter l’action de l’État. Des entités spécialisées en matière de santé peuvent être imaginées, mais leurs actions doivent « coller au territoire » et être pilotées. Le système doit être plus transparent, les initiatives locales doivent être encouragées, les personnels doivent être sensibilisés aux enjeux sanitaires, la place faite aux professionnels de santé doit se trouver renforcée et les élus locaux doivent devenir incontournables.

« La santé », « le patient », « la prévention », « les professionnels de santé » ne doivent pas être que des mots vidés de sens, mais doivent au contraire trouver une réalité profonde au cœur des territoires.

Nous devons avoir le courage de lutter contre le mal systémique qui ronge notre appareil d’État.

Les Agences Régionales de Santé ne seront pas plus capables de réussir demain là où elles ont échoué hier. 

N’oublions pas que le patient n’a qu’une seule demande : être pris en charge. Et que celle ou celui qui le prend en charge est engagé et a prêté serment devant la Nation.