« Remettre la mairie au coeur de la vie des habitants » (en marche.fr)

Début septembre, le député de l’Indre, François Jolivet, co-écrit la tribune “Touche pas à mon maire”. Signée par 85 parlementaires, elle dénonce la violence à l’encontre des élus. Interview de cet ancien maire qui veut changer les choses.

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François Jolivet, vous avez lancé une tribune le 9 septembre intitulée #TouchePasàMonMaire. Quelles sont les difficultés qui ont motivé cette prise de parole ?

L’appel « Touche pas à mon maire ! » que j’ai lancé avec ma collègue de l’Aisne, Aude Bono-Vandorme, et avec plus de 80 parlementaires de la majorité, a été lancé suite à la mort dans l’exercice de son mandat du maire de Signes, Jean-Mathieu Michel. Ce drame n’est hélas pas isolé et vient alimenter le sentiment de découragement de certains élus locaux, notamment dans nos territoires ruraux. Les élus ne sont pas au-dessus des lois, mais ils ne sont pas en dessous non plus.

Avant d’être député, j’ai été maire de la commune de Saint-Maur dans l’Indre pendant plus de vingt ans. Ce mandat municipal a été mon socle et me permets aujourd’hui d’être un député très sensible aux réalités du terrain, comme beaucoup de mes collègues de la majorité. Nous savons par expérience que c’est un mandat tout aussi exaltant qu’exigeant. Et cet attachement à la proximité, si chère au Président Chirac, c’est ce qui fait le sel de l’engagement public.

C’est pourquoi je considère que le « blues des maires » n’est pas une bonne nouvelle pour notre démocratie et qu’il est urgent de les protéger et de les valoriser. Le constat est sans équivoque : certains utilisent aujourd’hui la violence comme forme d’action politique. Cette violence physique et symbolique subie par les élus est intolérable et nous devons tout faire pour mieux la prévenir et mieux la punir.

Le grand public n’a pas toujours conscience des enjeux humains qui se cachent derrière la fonction de maire. Comment expliquer ce « ras l’écharpe » qui vous habite ?

Je pense que les maires ont été les grands oubliés des textes qui ont prétendu réformer les collectivités territoriales depuis dix ans. Sous couvert de simplification, ils ont tout embrouillé. Sous couvert de décentralisation, ils ont rogné les libertés locales, à commencer par celles des communes. La Cour des comptes vient d’ailleurs de montrer que la réduction du nombre de régions de 22 à 13, conséquence de la loi NOTRe, n’a pas permis de dégager des économies. Pire, elle n’a fait qu’acter et accélérer les déséquilibres entre les régions de France et à l’intérieur des régions.

Il y a une crise de sens chez les maires, car ces dernières années ont été celles d’un remue-ménage institutionnel permanent avec une rafale de normes qui viennent compliquer la gestion au quotidien et dans un contexte de baisses des dotations heureusement interrompu depuis 2017.

Pendant trop longtemps, les communes ont servi de variable d’ajustement. L’intercommunalité est une avancée, mais elle peut être un véritable élément de démotivation des élus et de fracture des territoires. Le maire n’est aujourd’hui plus toujours un décideur, mais un facilitateur. Ce manque de lisibilité a une conséquence très concrète : le citoyen ne sait plus qui est responsable de son quotidien.

Cette tribune a été co-signée par 85 parlementaires, c’est une réalité sur l’ensemble du territoire ? Quelles sont les communes où les maires rencontrent le plus de difficultés dans l’exercice de leur mandat ?

C’est malheureusement une réalité sur tout le territoire. Le Sénat vient de présenter une consultation auprès de plus de 3000 maires et cela nous donne une vision de l’ampleur du phénomène et la diversité des incivilités et violences que subissent les élus locaux. Il y a un consensus politique très large, qui dépasse le clivage majorité-opposition, sur la nécessité d’accompagner, outiller et protéger nos maires.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce ne sont pas les communes les plus petites qui sont concernées – mais celles entre 500 et 10 000 habitants – ce qui recouvrent évidemment des réalités très diverses.

Durant le Grand débat, les maires ont pu remonter ces frustrations au président de la République. Que retenez-vous de ces échanges ?

Je me félicite d’abord de la méthode. Dès janvier, à Grand Bourgtheroulde dans l’Eure, le président de la République a amorcé son échange avec les Français avec leurs représentants les plus intimes : leurs maires. Le Président s’est rendu un peu plus tard à Gargilesse-Dampierre, dans l’Indre, toujours à l’écoute des élus locaux.

Je retiens de ces échanges très directs le besoin de mieux accompagner les maires dans l’exercice de leur mandat, de ne plus s’engager dans des transformations institutionnelles à marche forcée, d’assouplir la répartition des compétences, de mieux accompagner les élus par exemple en rendant effectif leur droit à la formation. Les échanges ont toujours été concrets, nourris par l’expérience.

Le message des maires a été clair : il est temps d’abaisser le centre de gravité de l’action publique.

Le Gouvernement présente le 8 octobre au Sénat un projet de loi « Engagement et proximité ». Quelles mesures attendez-vous ?

C’est un texte qui est la suite logique du grand débat national et d’une concertation avec plusieurs centaines de maires conduite par les Ministres Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu.

Ce texte va permettre de doter les maires, et les élus municipaux, de nouvelles possibilités. Il s’adresse en priorité aux plus de 30 000 communes qui comptent moins de 3500 habitants. Je n’attends pas une mesure en particulier, mais une série de mesures qui vont remettre la mairie au cœur de la vie des habitants et doter les élus de moyens d’action et de vraies protections. Pour reprendre l’expression symbolique, l’enjeu est de “remettre le maire au milieu du village”.

Les domaines couverts par le projet de loi sont nombreux, variés et attendus – du droit à la formation, en passant par la commande publique et la protection du patrimoine rural. Le débat parlementaire va évidemment enrichir ce texte, et j’attends avec impatience le dépôt du projet à l’Assemblée nationale d’ici la fin de l’année. Je me félicite d’ailleurs de l’implication de mon collègue et ancien maire, Bruno Questel, qui va le faire vivre dans notre groupe parlementaire.

Ce qui est essentiel, c’est de s’assurer que chaque décision soit prise au bon niveau. Efficacité et proximité de l’action publique marchent ensemble, selon moi.

La République en marche a lancé un grand appel à l’engagement, « La République c’est vous ». Comment redonner envie de s’engager en politique ?

C’est une vraie question. Aujourd’hui, 2 maires sur 3 sont âgés d’au moins 60 ans. Au même titre que les médecins généralistes, il y a un vrai sujet d’alerte sur le risque de « déserts démocratiques ». En mars prochain, il est important de pousser les plus jeunes, les actifs, et bien entendu les femmes qui restent sous-représentées, à reprendre le flambeau et à bénéficier de l’expérience des élus sortants.

Être maire, ce n’est pas toujours de tout repos, mais c’est très souvent un motif de fierté. Les travaux de voirie et d’assainissement ne sont peut-être pas spectaculaires sur le papier, mais il y a un avant et un après mesurable pour les habitants.

Pour terminer, je sais le gouvernement pleinement mobilisé, qui pourra compter sur sa majorité pour agir en faveur des celles et ceux qui sont les piliers de notre démocratie et les ambassadeurs de nos territoires. Difficile d’envisager un avenir commun sans communes !

Je suis disponible pour accueillir tous les jeunes candidats aux élections municipales du Mouvement dans ma circonscription pour partager mon expérience d’élu local et leur faire rencontrer des maires exemplaires. Et, c’est pourquoi il est précieux d’avoir une fédération d’élus animée par Stéphane Travert qui est une vraie ressource pour tous les candidats de mars 2020.